Notre système judiciaire octroie un certains nombre de droits aux victimes. De telle sorte que l’on considère, à juste titre, que la France est un des pays européens les plus avancés en matière de prérogatives des victimes en matière pénale.
Mais c’est sur le « terrain « , aux cotés des victimes, qu’il faut se positionner pour savoir ce qu’il en est de l’effectivité de leurs droits dans la procédure pénale.
1 – Tout d’abord la plainte déposée par les victimes
Les victimes d’une infraction doivent aller porter plainte au Commissariat ou à la Gendarmerie. C’est le premier acte.
La difficulté des victimes pour déposer plainte
Nombre de victimes peuvent témoigner des difficultés qu’elles rencontrent pour déposer plainte. Notamment pour certaines infractions « de la vie courante » (vols, violences conjugales, menaces, agressions, etc.).
Dans les grandes villes, bien que cela ne doive plus avoir cours, on les envoie vers un autre Commissariat. Ou alors, on leur demande de revenir un autre jour où il y aurait moins de monde. Alors même que les temps d’attente sont dissuasifs. Ou bien encore, on leur conseille de ne déposer qu’une main courante, alors que cette procédure n’a, par hypothèse, aucune suite.
Si le dépôt de la plainte pose difficulté, les victimes peuvent théoriquement déposer plainte par lettre adressée au Procureur. Mais cette possibilité est souvent méconnue. De plus, comme le Procureur ne répond pas et renvoie la plainte vers la Police, cela entraine en fait une perte supplémentaire de temps.
Les suites de la plainte
Dans tous les cas, à part le droit de se voir remettre récépissé de sa plainte quand elle sort du Commissariat ou de la Gendarmerie, la victime n’a plus droit à aucune information. Et cela pendant toute la durée de l’enquête de police. Et cette période, durant laquelle la victime est sous le choc de l’infraction, et où elle ne bénéficie d’aucune information sur le sort de sa plainte, est vécue comme un abandon. Même si la victime est orientée vers une Association d’Aide aux Victimes, ou vers un Avocat, il lui sera inexorablement répondu qu’il faut attendre.
Cette situation résulte de l’interprétation actuelle de l’article R 11 du Code de Procédure Pénale qui prévoit que « …la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction [reste] secrète ».
Dans un rapport parlementaire de février 20121, il est préconisé que les victimes puissent recevoir par internet des informations sur le suivi de leur plainte, même purement procédural. Cela n’a jamais été fait.
En cas d’atteinte corporelle, la victime est adressée au Service de Médecine Légale pour constat de ses blessures. Et pour faire établir la durée de l’Incapacité Totale de Travail (I.T.T.). Or, dans certains ressorts, mais pas tous, le Parquet2 demande qu’on envoie directement le certificat médical au Service de police. Et cela sans en remettre copie à la victime, qui ne sait donc même pas, dans ce cas, combien de jours d’I.T.T. ont été retenus. Ni quelles sont les blessures qui ont été constatées.
La durée de l’enquête de police
Une fois ouverte, l’enquête de police dite « préliminaire » peut durer pendant de longs mois, voire même pendant des années. En effet, aucun texte ne prévoit de durée maximale de l’enquête de police qui peut se prolonger indéfiniment. La victime ici encore ne peut rien y faire.
2 – Après la plainte des victimes, la clôture de l’enquête de police
L’orientation du dossier des victimes
Le Procureur seul, décide de la suite à donner à la procédure. Sans débat contradictoire, sans consultation, sans aucune transparence à l’égard de quiconque. Il décide de manière discrétionnaire des suites à donner à l’enquête.
Mais comment choisir la voie la plus adaptée sans concertation avec les protagonistes de l’affaire ? De quelle façon orienter l’affaire vers une médiation pénale, qui suppose l’accord des parties, sans les consulter auparavant ? Comment faire des choix pertinents sans connaître les demandes de la victime en termes de réparation ?
Ce carrefour de plus en plus complexe qui s’ouvre à la fin de l’enquête de police est un moment capital de la procédure pénale qui gagnerait à être contradictoire.
L’information donnée aux victimes
L’information de la victime n’intervient qu’après le choix de l’orientation procédurale par le Parquet. L’article 40-2 du Code de Procédure Pénale prévoit que le Procureur doit « aviser les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, … « Mais en pratique, nombreuses sont les victimes qui disent n’avoir jamais eu de nouvelle de la plainte qu’elles ont déposée.
Les textes qui régissent notre procédure pénale de tous les jours sont inadaptés et obsolètes. L’ensemble manque de cohérence et de lisibilité. Les efforts faits en faveur des victimes ne se traduisent pas sur le terrain par un indice de satisfaction corrélatif.
Faute de droit dans la phase d’enquête de police, la partie civile ne peut pas jouer le rôle de contre-pouvoir, de vigile. De plus, en pratique, les Parquets sont peu enclins au dialogue avec les parties et sont soucieux de conserver leurs prérogatives. Sur fond, de surcroît, d’une masse importante de dossiers à gérer.
La directive européenne du 22 Mai 2012 sur le droit à l’information dans les Procédures Pénales3 doit être transposée en Droit Interne avant le 2 Juin 2014, et la directive européenne victimes qui porte également sur le droit à l’information devra bientôt l’être aussi.
Pourtant, malgré ces échéances proches, les acteurs judiciaires ne semblent pas prêts à changer. Ce qui pourtant, pourrait apporter plus de transparence et de contradictoire dans la procédure pénale. Nous aurions beaucoup à gagner à remettre à plat la procédure pénale, redistribuer les rôles, et redonner plus de cohérence et d’efficacité à l’ensemble du système.
(1) Rapport de la députée Mme Marie-Louise FORT remis en février 2012 à M. FILLON
(2) Toulouse par exemple
(3) Semaine Juridique 22 avril 2013 Note de JY Maréchal, Cass crim 6 mars 2013